Traçabilité des déchets, terres excavées et sédiments : le Conseil d’État rejette le recours de la FEDEREC contre le décret du 25 mars 2021
CE, 28 juillet 2023, no 452919
La Fédération professionnelle des entreprises du recyclage (FEDEREC) avait demandé au Conseil d’État d’annuler le décret no 2021-321 du 25 mars 2021 relatif à la traçabilité des déchets, des terres excavées et des sédiments.
Elle soutenait que le décret était illégal aux motifs qu’il ne comporte :
- aucune disposition permettant de garantir le secret des affaires ;
- aucune indication sur l’autorité gestionnaire des bases de données, en méconnaissance du principe d’intelligibilité et de clarté de la norme.
Pour mémoire, ce décret pris en application de l’article L. 541–7 du code de l’environnement, issu de la loi AGEC du 10 février 2020, renforce les conditions de traçabilité des déchets et des terres excavées et sédiments et prévoit de nouvelles sanctions pénales. Ces obligations sont, pour partie, issues du droit de l’Union européenne1.
Plus précisément, le décret prévoit :
- un enrichissement des données devant figurer dans les registres des déchets des producteurs, détenteurs, transporteurs et négociants de déchets, impose aux courtiers de déchets la tenue d’un registre chronologique et crée un registre national des déchets dématérialisé, dont la tenue pourra être confiée à une personne morale de droit public désignée par le ministre, pour les déchets dangereux et les déchets contaminés aux polluants organiques persistants, les installations de stockage et d’incinération de déchets non dangereux et les déchets contaminés aux polluants organiques persistants, les installations de stockage et d’incinération de déchets non dangereux non inertes ainsi que les installations effectuant une sortie du statut de déchets ;
- un registre chronologique des terres excavées et sédiments pour la production, l’expédition ainsi que la réception et met en place une base de données électronique centralisée dont la tenue pourra être confiée à une personne morale de droit public désignée par le ministre, s’accompagnant d’une obligation de déclaration des producteurs, traiteurs et utilisateurs ;
- la dématérialisation des bordereaux de suivi de déchets dangereux et de déchets contaminés aux polluants organiques persistants, par la mise en place d’une base de données électronique centralisée dont la tenue pourra également être confiée à une personne morale de droit public désignée par le ministre.
Pour ces nouvelles bases de données, le décret renvoie à des arrêtés du ministre chargé de l’environnement, la détermination de :
- la finalité des traitements informatiques ;
- des services auprès desquels s’exerce le droit d’accès ;
- des catégories de données à caractère personnel ;
- des informations collectées, des durées de conservation des données et des destinataires habilités à en recevoir communication.
En pratique, il s’agit des arrêtés suivants :
- Arrêté du 31 mai 2021 fixant le contenu des registres déchets, terres excavées et sédiments mentionnés aux articles R. 541–43 et R. 541–43‑1 du code de l’environnement
- Arrêté du 21 décembre 2021 définissant le contenu des déclarations au système de gestion électronique des bordereaux de suivi de déchets énoncés à l’article R. 541–45 du code de l’environnement
- Arrêté du 21 décembre 2021 définissant le contenu des déclarations au système de gestion électronique des bordereaux de suivi de déchets énoncés à l’article R. 541–45 du code de l’environnement, pour les déchets contenant de l’amiante
- Arrêté du 26 juillet 2022 définissant le contenu des déclarations au système de gestion électronique des bordereaux de suivi de déchets énoncés à l’article R. 541–45 du code de l’environnement, pour les déchets dangereux de fluides frigorigènes et autres déchets dangereux de fluides en contenants sous pression
1. Sur l’absence de garantie concernant le secret des affaires
La FEDEREC soutenait que le décret serait illégal au motif qu’il ne comporte aucune disposition permettant de garantir le secret des affaires.
Le Conseil d’État considère que le décret attaqué n’a pas pour objet de préciser les conditions d’accès des tiers aux informations transmises et enregistrées en application de l’article L. 541–7 du code de l’environnement : il écarte donc le moyen comme inopérant.
En effet, le décret prévoit notamment que ce sont des arrêtés du ministre de l’environnement qui doivent déterminer la finalité des traitements informatiques ainsi que les destinataires habilités à recevoir communication des informations collectées.
Le moyen ne pouvait donc utilement être soulevé qu’à l’encontre des arrêtés pris pour l’application du décret du 25 mars 2021.
2. Sur l’absence d’indication de l’autorité gestionnaire des bases de données
La FEDEREC soutenait également que le décret serait illégal au motif qu’il ne comporte aucune indication sur l’autorité gestionnaire des bases de données, en méconnaissance du principe d’intelligibilité et de clarté de la norme.
Le Conseil d’État rappelle que la loi Informatique et Libertés du 6 janvier 1978 prévoit que les traitements de données à caractère personnel mis en œuvre pour le compte de l’État qui intéressent notamment la sécurité publique sont autorisés par arrêtés des ministres compétents, qui précisent notamment le service gestionnaire compétent auprès duquel s’exerce le droit d’accès ainsi que les destinataires habilités à recevoir communication des données2.
Autrement dit, le décret n’avait pas à comporter des indications sur l’autorité gestionnaire des bases de données puisque la loi prévoit déjà que ces indications doivent être prévues par l’autorité ministérielle.
Le Conseil d’État écarte le moyen puis rejette la requête.
1. Directive européenne 2018/851 du 30 mai 2018 modifiant la directive 2008/98/CE relative aux déchets & Point 6 de l’article 7 du règlement (UE) 2019/1021 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 concernant les polluants organiques persistants.
2. Articles 31 et 35 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.