Précisions sur les effets indirects d’un projet sur l’environnement devant être analysés dans l’étude d’impact
Par une décision du 27 mars 2023, le Conseil d’État a jugé que les incidences indirectes sur l’environnement d’une centrale thermique nécessitant un approvisionnement local en bois devaient nécessairement être analysés dans l’étude d’impact (CE, 27 mars 2023, no 450135, aux tables).
Les requérants contestaient la décision autorisant la poursuite de l’exploitation de la centrale de Gardanne dont le fonctionnement supposait la mise en œuvre d’un « plan d’approvisionnement en bois d’origine locale » prévoyant que 50 % de la biomasse entrante serait issue de bois d’origine locale.
À l’appui de cette demande, les requérants soutenaient que l’étude d’impact était insuffisante au motif qu’elle n’analysait pas les effets de la mise en œuvre d’un tel plan sur les massifs forestiers locaux, ces derniers étant principalement situés dans le périmètre des parcs naturels régionaux du Lubéron et du Verdon.
Le juge devait donc se prononcer sur la question de savoir si l’étude d’impact devait prendre en compte les effets indirects de la centrale sur l’environnement au regard du type de combustible nécessaire à son fonctionnement et des modalités d’approvisionnement en combustible.
La demande des requérants a d’abord été accueillie par le TA de Marseille qui a annulé la décision litigieuse pour insuffisance de l’étude d’impact. En revanche, le jugement avait ensuite été cassé en appel par la CAA de Marseille.
Par la décision du 27 mars dernier, le Conseil d’État annule l’arrêt de la CAA et fait définitivement droit aux requérants.
Aux termes de cette décision, le Conseil d’État :
- rappelle les dispositions de l’article R. 512–8 du code de l’environnement, en vigueur à la date de délivrance de l’autorisation, disposant que l’étude d’impact d’un projet doit comporter une analyse de l’état initial du site et de son environnement et une analyse des effets directs et indirects, temporaires et permanents de l’installation sur l’environnement, mais encore que le contenu de cette étude d’impact doit être en relation avec l’importance de l’installation projetée et avec ses incidences prévisibles sur l’environnement (considérant 2)1 ;
- juge que l’exploitation d’une telle centrale repose sur la « consommation de très grandes quantités de bois provenant de ressources forestières locales, ressources naturelles faisant l’objet d’une protection particulière » et que, par conséquent, « principaux impacts sur l’environnement de la centrale par son approvisionnement en bois, et notamment les effets sur les massifs forestiers locaux, doivent nécessairement être analysés dans l’étude d’impact. » (considérant 5).
Dans ses conclusions, le rapporteur public a toutefois précisé que si le contenu de l’étude d’impact doit être en relation avec l’importance de l’installation projetée et avec ses incidences prévisibles sur l’environnement, « cela ne signifie pas certainement pas que tout projet soumis à étude d’impact doive réaliser une évaluation de l’ensemble des incidences environnementales de l’ensemble des intrants qui servent à la fabrication et même au fonctionnement de l’installation. »
Comme le souligne le rapporteur public, c’est bien parce que l’approvisionnement en biomasse locale ne constitue pas « une pure commodité » que ses effets indirects doivent être pris en compte dans l’étude d’impact. Il précise alors qu’une telle solution ne devrait être transposée à tous les effets indirects causés par des combustibles standardisés comme le gaz, le fioul ou l’uranium enrichi.
Affaire Total La Mède
Cette décision du Conseil d’État fait écho au dossier « Total La Mède » portant notamment sur la question de la prise en compte, par l’étude d’impact, des effets indirects d’un projet sur le climat.
Dans cette affaire, le tribunal administratif de Marseille avait considéré que l’autorisation d’exploiter une bioraffinerie était entachée d’une insuffisance de l’étude d’impact concernant les incidences du projet sur le climat, compte tenu de l’utilisation en quantité très substantielle d’huile de palme et de ses dérivés pour produire des biocarburants alors que le recours à cette matière première est particulièrement nocif pour l’environnement. Après avoir sursis à statuer pour permettre à l’exploitant de régulariser le vice constaté en complétant l’étude d’impact^2, le tribunal avait finalement rejeté les demandes des requérants3.
Conclusion
En définitive, il appartiendra aux porteurs de projets recourant à des intrants combustibles selon des modalités particulières d’approvisionnement en biomasse d’être particulièrement vigilants et de s’assurer que l’étude d’impact prenne bien en compte les éventuels effets indirects de cet approvisionnement en combustible sur l’environnement.
1. L’article R. 122–5 du code de l’environnement actuellement en vigueur prévoit que “Le contenu de l’étude d’impact est proportionné à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d’être affectée par le projet, à l’importance et la nature des travaux, installations, ouvrages, ou autres interventions dans le milieu naturel ou le paysage projetés et à leurs incidences prévisibles sur l’environnement ou la santé humaine.”
2. TA Marseille, 1er avril 2021, n° 1805238.
3. TA Marseille, 13 juillet 2022, n° 1805238, étant souligné que les associations envisageaient de faire appel de la décision du tribunal administratif.