Parc éolien implanté dans une zone de reproduction de rapaces : attention à la dérogation “espèces protégées”
Pour la CAA de Bordeaux, il n’est pas possible d’échapper à la dérogation espèces protégées lorsqu’on implante un parc éolien à proximité d’une zone de reproduction du Busard cendré, compte tenu notamment des risques de destruction pour les jeunes spécimens, qui ne peuvent être suffisamment réduits par un dispositif de régulation des éoliennes dont l’efficacité apparaît insuffisante.
Par un arrêt n° 20BX02053 du 31 mai 2023, la CAA de Bordeaux confirme le refus du préfet des Deux-Sèvres de délivrer à la société Saint Varentais Energies une autorisation environnementale pour un parc de dix éoliennes. Elle considère notamment que le projet présente un risque suffisamment caractérisé pour le Busard cendré.
La CAA de Bordeaux retient d’abord que le secteur d’implantation du projet présente, pour cette espèce, une sensibilité particulièrement élevée, qualifiée de forte durant toute la période de nidification :
- le projet est situé à 2,8 km d’une zone de protection spéciale (ZPS du réseau Natura 2000) accueillant 30 à 50 couples de Busards cendrés ;
- le secteur d’implantation du projet est identifié comme lieu de reproduction (au printemps) puis de nidification et d’envol des jeunes spécimens (durant l’été) ;
- la présence de quatre à six nids de busards cendrés au cœur de la zone d’implantation du projet est confirmée et observée sur plusieurs années.
Puis la CAA de Bordeaux juge que les mesures d’évitement et de réduction prévues par le pétitionnaire dans l’étude d’impact ne sont pas suffisantes pour ramener le risque à un niveau tel qu’il n’apparaisse pas suffisamment caractérisé :
- instauration d’une zone tampon de 300 mètres autour des nids ;
- mise en place d’un calendrier de travaux évitant la période d’avril à juillet pour éviter la destruction de nids lors des travaux de terrassement ;
- l’installation d’un dispositif de détection et de régulation automatique des éoliennes pour les six éoliennes situées en plein cœur de la zone de reproduction qui sera actif en période de reproduction ;
- financement de campagnes de protection des nids.
En particulier, la CAA de Bordeaux considère que le dispositif de détection de l’avifaune, qui n’est prévu que pour six des dix éoliennes, apparait peu efficace pour éviter le risque de collision avec les jeunes spécimens, qui représentent des enjeux forts de conservation pour l’espèce.
Elle en déduit qu’une dérogation était nécessaire et confirme le refus du préfet de délivrer l’autorisation environnementale sollicitée.
Précisons néanmoins que la CAA de Bordeaux ne juge pas, pour autant, que les dispositifs de détection et d’effarouchement ne permettraient pas, de manière générale, de réduire les risques pour l’avifaune. Elle relève en effet que “des techniques de réduction des impacts de l’éolien sur l’environnement (…), tels que les dispositifs de détection ou de bridage (…) permettent, même s’ils ne le rendent pas inexistant, de réduire le risque d’atteinte grave et irréversible à l’avifaune” (cons. 15).
Quel était le sort du Busard cendré jusqu’à présent à la CAA de Bordeaux ?
La CAA de Bordeaux avait considéré qu’une dérogation n’était pas nécessaire en présence du Busard cendré comme espèce nicheuse migratrice, compte tenu des mesures d’évitement et de réduction prévues par le pétitionnaire : coupe minime de haie, choix d’implantation des éoliennes sur les secteurs cultivés à distance des haies et lisières, réalisation des travaux hors période de reproduction, bridage chiroptérologique bénéficiant également à l’avifaune migratrice nocturne (CAA Bordeaux, 23 mars 2023, n° 20BX04169).
La Cour avait également jugé qu’une DEP n’est pas requise lorsque le Busard cendré est uniquement identifié en migration (CAA Bordeaux, 4 mai 2023, n° 20BX04268).
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Crédits photographie : Donald Macauley.