Loi industrie verte : création des sites naturels de compensation, de restauration et de renaturation (SNCRR)
L’article 15 de la loi n° 2023–973 du 23 octobre 2023 relative à l’industrie verte, publiée au Journal officiel du 24 octobre dernier, crée les sites naturels de compensation, de restauration et de renaturation (SNCRR) en remplacement des sites naturels de compensation (SNC). Elle élargit le dispositif à d’autres finalités que celles liées aux obligations légales de compensation (2). Ces modifications font suite à l’échec du dispositif des SNC depuis leur création par la loi Biodiversité de 2016 — un seul site agréé (1).
1. L’échec du dispositif des SNC depuis sa création par la loi Biodiversité de 2016
Pour mémoire, les porteurs de projets doivent mettre en œuvre la séquence « éviter, réduire, compenser» (ERC), notamment dans le cadre de l’évaluation environnementale (travaux, ouvrages, aménagements, plans ou programme).
La loi Biodiversité de 2016 a précisé que le principe d’action préventive et de correction, par priorité à la source, des atteintes à l’environnement, « implique d’éviter les atteintes à la biodiversité et aux services qu’elle fournit ; à défaut, d’en réduire la portée ; enfin, en dernier lieu, de compenser les atteintes qui n’ont pu être évitées ni réduites, en tenant compte des espèces, des habitats naturels et des fonctions écologiques affectées. Ce principe doit viser un objectif d’absence de perte nette de biodiversité, voire tendre vers un gain de biodiversité »1.
Concrètement, le porteur de projet doit présenter, dans son étude d’impact, l’ensemble des mesures envisagées pour éviter les incidences négatives notables probables du projet sur l’environnement, réduire celles qui ne peuvent être évitées et compenser celles qui ne peuvent être évitées ni réduites2.
Pour satisfaire cette dernière obligation, les textes autorisent le porteur de projet à3 :
- Mettre en place lui-même les mesures compensatoires (compensation par l’offre) ;
- Faire réaliser les mesures par un opérateur de compensation (compensation par la demande) ;
- Acquérir des unités de compensation auprès d’un opérateur gestionnaire d’un « site naturel de compensation » (SNC) agréé par l’État, au sein duquel sont menées des opérations de restauration ou de développement de biodiversité (compensation anticipée).
L’achat d’unités de compensation devait permettre la mise en œuvre des mesures compensatoires de manière (i) anticipée (les opérations de restauration et de développement de la biodiversité étant déjà mises en œuvre sur le SNC, le porteur de projet peut s’assurer que le gain de biodiversité correspond bien à l’atteinte environnementale projetée) et (ii) mutualisée (le SNC répond aux besoins en compensation environnementale d’une pluralité de projets).
Or, en pratique, les opérateurs étaient réticents à s’engager dans la création de SNC, compte tenu notamment :
- de la complexité technique liée à l’obtention de l’agrément et en particulier du fait que l’agrément nécessitait de préciser les gains écologiques théoriques obtenus à l’issue des opérations de restauration, alors même que celles-ci n’était pas encore engagées ;
- de l’impossibilité de créer un SNC pour les besoins d’un seul opérateur, dans un cadre non-mutualisé ;
- du fait qu’il n’était pas possible de vendre des unités de compensation à des acteurs souhaitant les acquérir dans le cadre d’une démarche volontaire en faveur de la biodiversité, indépendamment de l’application de la séquence ERC.
Eu égard à l’ensemble de ces difficultés, un seul SNC a été agréé sur le territoire national4.
2. Le nouveau cadre relatif aux SNCRR prévu par la loi industrie verte du 23 octobre 2023
Afin de lever les différents blocages évoqués supra, la loi industrie verte crée un dispositif harmonisé pour la mise en œuvre (i) des mesures compensatoires « obligatoires » par un porteur de projet en application de la séquence ERC et (ii) des mesures compensatoires « volontaires » par d’autres acteurs souhaitant s’engager en faveur de la biodiversité.
Ainsi, le nouvel article L. 163–1‑A du code de l’environnement :
- remplace les « sites naturels de compensation » (SNC) par les « sites naturels de compensation, de restauration et de renaturation » (SNCRR) ;
- ne fait plus référence à la notion de « mutualisation »5 et ouvre ainsi la possibilité aux porteurs de projets de mobiliser les SNCRR pour compenser par anticipation et pour leurs besoins propres ;
- prévoit que les SNCRR pourront donner lieu à l’attribution de crédits carbone au titre du label “bas-carbone”.
A noter que cette disposition sur les crédits carbone a été réintégrée dans la loi en commission mixte paritaire après avoir été supprimée à la suite d’un certain nombre d’amendements déposés devant l’Assemblée nationale, faisant état du risque de « spéculation sur la biodiversité »6.
Un décret précisera les modalités d’agrément et de suivi des SNCRR ainsi que la nature et les modalités de vente des unités de compensation, de restauration ou de renaturation.
Par ailleurs, la loi prévoit la création, d’ici octobre 2025, d’une plateforme en ligne de référencement des unités de compensation, de restauration ou de renaturation est mise en place par l’État. Une telle plateforme devrait « permettre de cataloguer par territoire les unités de restauration et de renaturation qui seront identifiés par les personnes publiques ou privées afin de rendre attractif ce marché d’unités de compensation environnementales et faciliter chaque acteur, qu’il soit vendeur ou acheteur de simplifier ces démarches et de s’assurer d’éviter le développement de marchés parallèles et éviter des pratiques frauduleuses »7.
Les modalités de mise en place de cette plateforme seront précisées par décret.
Enfin, l’article L. 163–1 du code de l’environnement (qui s’applique de manière générale à la compensation par l’offre, par la demande et par anticipation) précise que les mesures compensatoires doivent être mises en œuvre, si elles ne peuvent pas l’être directement sur le site endommagé, en « proximité fonctionnelle » avec celui-ci. Jusqu’à présent, le texte faisait uniquement référence à la notion de « proximité » sans préciser s’il s’agissait d’une proximité fonctionnelle ou géographique8.
Pour conclure, on remarque que la loi ne prévoit pas de dispositions transitoires pour les demandes d’agrément déposées entre la publication de la loi et la publication des décrets d’application. Elle précise cependant que les SNC dont l’agrément a été délivré antérieurement au 23 octobre 2023 sont considérés comme des SNCRR.
1 Article L. 110–1, II., du code de l’environnement.
2 Article L. 122–3 II., 2°, c. du code de l’environnement.
3 Article L. 161–1 code de l’environnement.
4 Il s’agit du SNC de Cossure dans les Bouches-du-Rhône porté par CDC Biodiversité et agréé en 2021.
5 L’article L. 163–3 du code de l’environnement, qui faisait référence à la notion de mutualisation, a été abrogée.
6 Voir, par exemple, les amendement nos 1109, 1297, 1535 et 734 déposés le 12 juillet 2023 sur le texte no 1512, adopté par la commission spéciale, sur le projet de loi, adopté par le Sénat relatif à l’industrie verte (no 1443 rectifié) et examiné par l’Assemblée nationale.
7 Amendement no CS1029 sur le projet de loi n° 1443 déposé le 30 juin 2023 par H. Alfandari devant la Commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à l’industrie verte.
8 Il s’agit en réalité d’une simple précision rédactionnelle dans la mesure où les guides ministériels retenaient déjà la notion de proximité fonctionnelle (voir : Approche standardisée du dimensionnement de la compensation écologique – Guide de mise en œuvre, CGDD, mai 2021 p. 29 et 30.).
Crédits photographiques : Sven Ziegler