Libération du foncier pour le photovoltaïque : les nouvelles possibilités ouvertes par la loi d’accélération des EnR
Pour atteindre les objectifs de développement des énergies renouvelables, il est nécessaire d’accélérer le rythme d’installation de parcs photovoltaïques : cela suppose l’implantation de 4 GW de projets photovoltaïques chaque année, soit la mobilisation de plus de 4000 hectares annuellement1.
L’un des leviers identifiés est d’accroître le gisement de foncier disponible, en priorité sur les bâtiments et les sites artificialisés afin de minimiser les conflits d’usage avec les terrains agricoles et naturels.
La loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables (loi EnR) a créé de nouveaux dispositifs destinés à libérer le foncier pour les projets photovoltaïques.
Dans ce premier article, nous vous présentons les nouvelles zones permettant d’accueillir des projets photovoltaïques :
- le long des grands axes routiers (1.)
- le long des voies ferrées (2.)
- sur les friches et les bassins industriels de saumure des communes littorales (3. et 4.)
- dans les zones non urbanisées des communes de montagne couvertes par une carte communale, par la réalisation d’une étude de discontinuité à l’initiative de la commune (5.).
1. Le long des grands axes routiers
Pour des considérations de sécurité routière, le code de l’urbanisme interdit, en dehors des espaces urbanisés des communes, la construction et l’implantation d’infrastructures :
- dans une bande de 100 mètres de part et d’autre de l’axe des autoroutes, des routes express et des déviations ;
- dans une bande de 75 mètres de part et d’autre de l’axe des autres routes classées à grande circulation (L. 111–6 du code de l’urbanisme).
À l’occasion de la loi Énergie-Climat, le législateur avait introduit plusieurs dérogations notamment pour les panneaux solaires sur les aires d’autoroute ainsi que sur les parcelles déclassées par suite d’un changement de tracé des voies du domaine public routier (anc. art. L. 111–7 du code de l’urbanisme).
Pour faciliter l’implantation de panneaux photovoltaïques, la loi EnR a simplifié et élargi cette dérogation : l’interdiction de construire à proximité des grands axes routiers ne s’applique désormais plus aux « infrastructures de production d’énergie solaire, photovoltaïque ou thermique » (art. L. 111–7 du code de l’urbanisme en vigueur).
Selon l’étude d’impact du projet de loi, « la France compte environ 12 000 km d’autoroute (dont 9000 concédées à des sociétés concessionnaires sous contrat avec l’État) soit un gisement de 1 800 à 2 400 MW. Un potentiel complémentaire, non quantifié, pourra également être mobilisé le long des routes nationales ».
2. Le long des voies ferrées
La loi EnR permet désormais l’implantation de centrales solaires aux abords des voies ferrées en créant une dérogation à l’interdiction prévue à l’article L. 2231–4 du code des transports.
Dans son dossier de demande, le pétitionnaire devra établir que le projet ne compromet pas :
- la sécurité des circulations ferroviaires ;
- le bon fonctionnement des ouvrages, des systèmes et des équipements de transport ainsi que leur maintenabilité.
Cette mesure, introduite lors de l’examen du texte par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat en première lecture, s’inscrit dans « la stratégie de la SNCF qui souhaite promouvoir, accélérer et faciliter le développement de l’activité de production d’énergies renouvelables grâce à l’installation de panneaux photovoltaïques sur ses terrains »2.
3. Sur les friches des communes littorales, par dérogation au principe d’implantation en continuité de l’urbanisation existante
Pour mémoire, dans les communes littorales, l’extension de l’urbanisation doit être réalisée en continuité des agglomérations et villages existants (art. L. 121–8 du code de l’urbanisme), c’est-à-dire avec les zones déjà urbanisées caractérisées par un nombre et une densité significatifs de constructions. En revanche, aucune construction ne peut être autorisée, même en continuité avec d’autres, dans les zones d’urbanisation diffuse éloignées de ces agglomérations et villages (CE, 9 novembre 2015, no 372531).
Le Conseil d’État considère que la construction de parcs éoliens et de parcs photovoltaïques est constitutive d’une urbanisation au sens de la loi Littoral, de sorte que leur implantation n’est permise qu’en continuité des constructions existantes sur le territoire des communes littorales (pour les éoliennes : CE, 14 novembre 2012, no 347778 ; pour les parcs photovoltaïques : CE, 28 juillet 2017, no 397783).
En 2015, le législateur est alors intervenu en organisant une dérogation pour les éoliennes terrestres, qui peuvent être implantées après délibération favorable de l’organe délibérant de l’EPCI compétent en matière de PLU ou, à défaut, du conseil municipal de la commune concernée par l’ouvrage, et après avis de la CDNPS (L. 121–12 du code de l’urbanisme).
Par conséquent, sur les communes littorales, l’implantation de parcs photovoltaïques demeure conditionnée à la démonstration que le projet est situé en continuité des zones déjà urbanisées.
Récemment, le Conseil d’État a néanmoins fait preuve de souplesse en considérant qu’une zone industrielle située sur le territoire de la commune de Narbonne devait être regardée comme une zone urbanisée compte tenu de la configuration des lieux (CE, 17 février 2023, no 452346 : « vaste zone industrielle de plus de cent hectares, dont 50 hectares sont occupés par l’usine de conversion et de purification du minerai d’uranium de la société Orano, avec 24 hectares de surface bâtie comportant plusieurs bâtiments, et une dizaine de bassins de décantation et d’évaporation. Cette usine [étant] elle-même implantée en continuité avec le hameau des Amarats, où sont implantés une station d’épuration, un parc photovoltaïque et un poste électrique »).
Afin de favoriser le développement d’installations photovoltaïques sur les communes littorales, la loi EnR permet désormais aux projets photovoltaïques de déroger au principe d’urbanisation en continuité lorsqu’ils sont implantés sur certaines friches3.
La liste des friches éligibles sera établie par décret :
- après concertation avec le Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres ; et
- après avis des associations représentatives des collectivités territoriales concernées.
Dans son dossier de demande, le pétitionnaire devra :
- démontrer que le projet n’est pas de nature à porter atteinte à l’environnement, notamment à la biodiversité ou aux paysages et à la salubrité ou à la sécurité publiques, en fonctionnement normal comme en cas d’incident ou d’accident ;
- justifier que son projet est préférable, pour des motifs d’intérêt général, à un projet de renaturation, lorsque celui-ci est techniquement réalisable. Le texte précise que cette démonstration peut tenir compte notamment du coût d’un tel projet de renaturation, des obstacles pratiques auxquels est susceptible de se heurter sa mise en œuvre, de sa durée de réalisation ainsi que des avantages que comporte le projet d’installation photovoltaïque ou thermique.
L’autorisation de construire sera accordée par l’autorité administrative compétente de l’État, après avis de la CDNPS.
D’après l’étude d’impact du projet de loi, les friches situées dans des communes littorales représentent “1360 sites potentiels. Seule une partie de ces sites potentiels seront listés dans le décret listant les friches éligibles”.
4. Sur les bassins industriels de saumure saturée des communes littorales
Afin de rendre possible la réalisation d’un projet de ferme solaire flottante sur des étangs de saumure saturée de la commune littorale de Fos-sur-Mer, le législateur a prévu une nouvelle dérogation au principe de construction en continuité de l’urbanisation existante (art. L. 121–12‑1 du code de l’urbanisme).
Le projet de loi déposé sur le bureau du Sénat prévoyait que les ouvrages nécessaires à la production d’énergie solaire pouvaient être “autorisés sur les bassins industriels de saumure saturée”, sans plus de précisions.
À l’occasion de l’examen du texte par la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, un amendement a été adopté afin que ces ouvrages “soient soumis à l’avis de préférence conforme de l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d’urbanisme concerné et du conseil municipal de la commune concernée”, en renvoyant aux conditions prévues pour l’adoption du décret fixant la liste des friches pouvant accueillir des projets photovoltaïques, fixées à l’alinéa précédent.
Le code de l’urbanisme prévoit désormais que les ouvrages nécessaires à la production d’énergie solaire photovoltaïque ou thermique peuvent être “autorisés sur les bassins industriels de saumure saturée dans les conditions prévues au premier alinéa du présent I.”.
Cette rédaction pose de nombreuses difficultés, en particulier puisque des amendements contradictoires ont été successivement adoptés, sans que cela ne soit corrigé par la suite. Ainsi, la loi EnR promulguée le 10 mars dernier ne comporte plus les conditions “prévues au premier alinéa du présent I.” auxquelles seraient soumis les projets photovoltaïques implantés sur les bassins industriels de saumure.
Quelques opérations d’archéologie juridique dans les travaux parlementaires nous ont toutefois permis d’établir une stratégie pour sécuriser ces projets. N’hésitez pas à nous contacter si vous souhaitez en savoir plus !
5. Par la réalisation d’une étude de discontinuité, dans les communes de montagne couvertes par une carte communale mais ne relevant pas d’un SCoT
La loi EnR devrait faciliter l’implantation de projets photovoltaïques sur les communes de montagne couvertes par une carte communale :
- lorsqu’elles ne relèvent pas d’un SCoT ; ou
- lorsqu’elles relèvent d’un SCoT n’ayant pas encore pris l’initiative de réaliser une étude de discontinuité.
Pour mémoire, dans les communes de montagne, l’extension de l’urbanisation doit en principe être réalisée en continuité de l’urbanisation existante (L. 122–5 du code de l’urbanisme).
Par dérogation, le schéma de cohérence territoriale (SCoT) ou le plan local d’urbanisme (PLU) peut comporter une étude de discontinuité sur le fondement de laquelle la commune pourra ouvrir à l’urbanisation des zones qui ne sont pas situées en continuité de l’urbanisation existante. Les communes couvertes par une carte communales ne pouvait donc bénéficier de cette dérogation que dans le cas où une étude de discontinuité a déjà été réalisée par le SCoT.
La loi d’accélération de la production d’EnR ouvre désormais la possibilité aux communes couvertes par une carte communale, mais ne relevant pas d’un SCoT ou bien relevant d’un SCoT ne comportant pas encore d’étude de discontinuité, de procéder elles-mêmes à la réalisation d’une étude de discontinuité, exclusivement pour autoriser l’implantation de centrales solaires au sol en discontinuité de l’urbanisation existante (art. L. 122–7, II. du code de l’urbanisme).
Quel que soit le document d’urbanisme en vigueur et la procédure retenue, l’étude de discontinuité devra être soumise à l’avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites (CDNPS).
1. Étude d’impact du projet de loi d’accélération de la production d’énergies renouvelables, 26 septembre 2022 (en ligne).
2. Amendement n° COM-226 rect.
3. La notion de friche est définie par le code de l’urbanisme comme “tout bien ou droit immobilier, bâti ou non bâti, inutilisé et dont l’état, la configuration ou l’occupation totale ou partielle ne permet pas un réemploi sans un aménagement ou des travaux préalables” (L. 111–26 du code de l’urbanisme).