Installateurs de panneaux PV : un mandat d’assistance administrative ne vous permet pas de contester une décision d’opposition à DP pour le compte du propriétaire du terrain
Par un jugement du 20 juillet 2023, le tribunal administratif de Rouen a rejeté, pour défaut d’intérêt à agir, le recours exercé par un installateur de panneaux solaires en considérant que le mandat d’assistance administrative conclu avec le propriétaire du terrain ne lui conférait pas un intérêt propre (TA Rouen, 20 juillet 2023, no 2202167)1.
La société Open Énergie, spécialisée dans l’installation de panneaux photovoltaïques, avait conclu avec un particulier un mandat d’assistance administrative.
Ce mandat prévoyait notamment que la société était autorisée à présenter, pour le compte du propriétaire, une déclaration préalable pour l’installation de plusieurs panneaux photovoltaïques sur son terrain.
Néanmoins, tout ne s’est pas passé comme prévu, puisque le maire s’est opposé à la déclaration préalable. Après un recours gracieux resté sans réponse, la société Open Énergie a demandé au tribunal administratif de Rouen d’annuler la décision d’opposition à la déclaration préalable.
1. Open Énergie était régulièrement mandatée pour présenter la déclaration préalable
Le tribunal considère qu’en raison du mandat conclu entre Open Énergie et le propriétaire, la société était régulièrement habilitée pour présenter la déclaration préalable. En effet, l’article R. 423–1 du code de l’urbanisme prévoit expressément qu’une demande d’autorisation d’urbanisme peut être adressée au maire par un mandataire du propriétaire.
2. Open Énergie était également régulièrement mandatée pour présenter le recours gracieux
Le jugement ne se prononce pas sur ce point, puisque la requête a été introduite dans le délai de recours contentieux de deux mois, de sorte qu’il n’était pas nécessaire de s’interroger sur la question de savoir si le recours gracieux avait prorogé le délai de recours contentieux.
Cette affaire est néanmoins l’occasion de rappeler qu’un recours administratif formé par un mandataire proroge le délai du recours contentieux à la condition que le mandat soit exprès, étant précisé que l’existence d’un tel mandat ne peut être présumée en raison des seuls termes du recours administratif (CE, 22 janvier 2013, Commune de Cran Gevrier, no 347929).
3. Mais ce mandat d’intérêt commun ne lui conférait pas un intérêt à agir propre, qu’elle n’établit d’ailleurs pas
En revanche, le tribunal considère qu’Open Énergie ne justifie pas d’un intérêt pour agir dans le cadre de la demande d’annulation de la décision d’opposition à la déclaration préalable :
- d’une part, le juge rappelle que les seuls mandataires habilités à représenter un requérant dans le cadre d’un recours introduit devant le tribunal sont les avocats et les avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation (R. 431–1 et R. 431–2 du code de justice administrative) ;
- d’une part, le juge constate qu’Open Énergie se prévaut uniquement d’un « mandat d’intérêt commun » pour présenter le recours, dont la société ne peut tirer un intérêt pour agir ;
- enfin, le juge considère que “si la société requérante entend agir en son nom propre pour présenter la requête, elle n’apporte aucun élément de nature à établir l’existence d’un intérêt propre outre le mandat administratif l’unissant [au propriétaire]”.
4. En définitive, la requête est rejetée pour défaut d’intérêt à agir de la société Open Énergie
En définitive, le tribunal estime que la fin de non-recevoir tirée du défaut d’intérêt à agir doit être accueillie et il rejette la requête.
La solution pourrait paraître sévère, puisqu’on pourrait considérer que la société Open Énergie justifie d’un intérêt financier propre à ce que les panneaux soient effectivement installés : mais cet intérêt financier ne repose pas sur des considérations d’urbanisme, ce qui nous semble justifier la décision du tribunal. Au cas d’espèce, la société n’avait même pas répondu à la fin de non-recevoir soulevée par la commune, et il n’appartenait donc pas au tribunal de caractériser par lui-même cet intérêt propre.
Rappelons néanmoins qu’en principe, lorsque tout mandat est juridiquement exclu, le juge administratif doit demander la régularisation au représenté, étant précisé que la régularisation peut intervenir après l’expiration du délai de recours (CE, 13 octobre 1982, Mme Rabin, no 34355 ; CE, 17 juin 1977, Dame Corneille et autres, no 3085.). Il est donc envisageable qu’en cas appel, le jugement soit censuré par la Cour.
Quoi qu’il en soit, les installateurs de panneaux photovoltaïques devront donc être prudents et laisser les propriétaires présenter eux-mêmes (avec le concours d’un avocat, le cas échéant) les recours contre les décisions d’opposition à DP ou les refus de permis de construire, ou bien présenter ces recours conjointement.
5. Une solution confirmée par la CAA de Nantes
Dans le cadre d’un autre recours concernant la même société, la cour administrative d’appel de Nantes a confirmé la position des premiers juges, en considérant que la société Open Energie ne justifie pas d’un intérêt à agir reposant sur des considérations d’urbanisme :
« Il ressort des pièces du dossier que la société Open Energie, spécialisée dans la vente et l’installation de matériels utilisant les énergies renouvelables qui a reçu, dans l’exercice de son activité, mandat de la part de son client, M. A, pour procéder aux démarches administratives afférentes au projet de ce dernier d’installer 10 panneaux photovoltaïques sur la toiture de sa maison d’habitation, a, dans le cadre de ce mandat, déposé, au nom de M. A, un dossier de déclaration préalable. Si elle soutient que l’arrêté du 25 mai 2021 par lequel le maire de Formigny-la-Bataille s’est opposé à la déclaration préalable « anéantit tout le projet contractuel » avec M. A, et « emporte l’annulation de la commande passée par son client », elle ne justifie pas, ce faisant, d’un intérêt reposant sur des considérations d’urbanisme de nature à lui donner qualité pour agir contre cette décision. Il s’ensuit que la demande présentée par la société Open Energie devant le tribunal administratif de Caen dirigée contre l’arrêté du 25 mai 2021 du maire de Formigny-la-Bataille était manifestement irrecevable » (CAA Nantes, 2 août 2023, no 22NT01584).
1. Voir également trois autres jugements du même jour :