[Espèces protégées & Milieu agricole] Attention aux arrachages de haies !
Alors que le Gouvernement a présenté, en septembre dernier, un Pacte en faveur de la haie, qui vise à planter 50 000 km de nouvelles haies d’ici 2050, l’Office français de la biodiversité (OFB) est de plus en plus vigilant quant à l’arrachage illégal de haies, qui abritent généralement des espèces protégées.
En effet, après les projets de production d’énergie renouvelable, d’aménagement et d’infrastructures, le respect de la législation sur les espèces protégées est désormais de plus en plus contrôlé dans les milieux forestiers et les milieux agricoles.
Concernant le milieu forestier, c’est d’ailleurs ce qui a conduit le législateur à préciser, dans un contexte d’incendies de plus en plus fréquents, que « les travaux de débroussaillement menés en application des obligations prévues au présent titre constituent des travaux d’intérêt général de prévention des risques d’incendie qui visent à garantir la santé et la sécurité publiques et à protéger les forêts, en particulier les habitats naturels forestiers susceptibles d’abriter des espèces protégées », un arrêté devant préciser les conditions d’application de cet article L. 131–10 du code forestier.
Concernant le milieu agricole, un jugement du tribunal administratif de Nantes rappelle que la législation sur les espèces protégées, si elle était véritablement respectée et contrôlée, permettrait de protéger effectivement les haies (TA Nantes, 17 octobre 2023, no 2111206).
Dans cette affaire, une société civile d’exploitation agricole (SCEA) avait procédé à l’arrachage de 500 mètres linéaires de haies. Pendant l’exécution des travaux, l’OFB avait constaté que ces haies abritaient des spécimens de chouette effraie et des larves de grands capricornes.
Le préfet avait alors demandé à la SCEA d’arrêter les travaux et l’avait invitée à déposer une demande de dérogation à l’interdiction de porter atteinte aux espèces protégées et à leurs habitats (DEP).
À l’issue des travaux litigieux, la SCEA avait déposé une demande de DEP qui lui avait été refusée au motif que l’arrachage des haies ne répondait pas à une raison impérative d’intérêt public majeure (RIIPM).
Saisi d’une demande d’annulation du refus de dérogation par la SCEA, le Tribunal relève qu’elle ne démontre pas, ni même n’allègue, que les travaux litigieux répondraient à une RIIPM.
Le Tribunal relève également que :
- la circonstance que la SCEA aurait déposé une demande de suppression de haies au titre du volet “environnement, changement climatique et bonnes conditions agricoles des terres” de la conditionnalité des aides de la politique agricole commune pour la campagne 2020 est sans incidence sur la légalité du refus attaqué ;
- la SCEA ne démontre pas, ni même n’allègue, que les travaux d’arrachage des haies et arbres en cause, justifiés pour des activités agricoles privées, auraient pour objet la prévention de dommages importants notamment aux cultures, à l’élevage, ou seraient effectués dans l’intérêt de la santé et de la sécurité publiques (hypothèse prévue par l’article L. 411–2 du code de l’environnement) ;
- il ne ressort d’aucun élément du dossier que ces travaux auraient été justifiés par l’état phytosanitaire des chênes.
On constatera que la nécessité même d’une dérogation n’a pas été examinée. S’il apparaît difficilement contestable que l’arrachage de 500 mètres linéaires de haies ait pu entraîner la destruction de spécimens de Grands capricornes, il n’est pas certain que ces travaux aient constitué une atteinte aux aires de repos ou aux sites de reproduction de la Chouette effraie d’une ampleur telle qu’elle remette en cause le bon accomplissement de ses cycles biologiques1.
Le jugement ne dit rien des autres volets de cette affaire, mais on rappellera qu’une atteinte prohibée aux espèces protégées ou leurs habitats est passible de trois ans d’emprisonnement et d’une peine d’amende de 150 000 euros (L. 415–3 du code de l’environnement).
Une remise en état peut également être ordonnée : ainsi, le juge pénal a déjà condamné des agriculteurs à replanter des haies illégalement arrachées en méconnaissance de la législation sur les espèces protégées (T. Corr. Nantes, 15 juin 2021, no 20241000146).
1. Article 3 de l’arrêté du 29 octobre 2009 fixant la liste des oiseaux protégés sur l’ensemble du territoire et les modalités de leur protection ; voir pour l’application de ces critères fixés par arrêté ministériel : CAA Toulouse, 5 octobre 2023, no 21TL23869.
Crédits photographiques : Markus Hassler (Wö-ma).