Dérogation espèces protégées & Mortalités constatées en cours d’exploitation du parc éolien
Pour la CAA de Lyon, la destruction de 14 individus d’espèces protégées (un Milan noir, trois Roitelets à triple bandeau, un Grand cormoran, une Buse variable, une Alouette lulu et sept chiroptères dont cinq pipistrelles) au cours des deux premières années d’exploitation ne saurait « suffire à révéler l’existence de risques suffisamment caractérisés pour des espèces protégées ou leurs habitats, qu’ils aient été sous-estimés au stade de l’instruction de la demande d’autorisation ou qu’ils soient nouvellement apparus en phase d’exploitation ». Elle rejette donc la demande tendant à ce qu’il soit enjoint à l’exploitant de déposer une demande de dérogation (CAA Lyon, 22 juin 2023, n° 22LY01790).
Le parc éolien, mis en service en mai 2019, bénéficie d’un permis de construire délivré en décembre 2015 et d’une autorisation d’exploiter au titre des installations classées délivrée en décembre 2016.
Plusieurs associations demandaient à la Cour d’annuler la décision par laquelle le préfet de Saône-et-Loire avait refusé d’ordonner à la société exploitante (i) de déposer une demande de dérogation « espèces protégées » et (ii) de compenser les destructions déjà occasionnées par son parc éolien.
1. Sur la nécessité d’une dérogation “espèces protégées”
En ce qui concerne l’état de conservation des espèces :
- le Milan noir, le Roitelet à triple bandeau, la Buse variable, la Pipistrelle commune et la Pipistrelle de Kuhl sont classés en préoccupation mineure (LC) par la liste rouge régionale.
- le Grand cormoran et l’Alouette lulu sont classés en vulnérable (VU) par la liste rouge régionale.
Les associations faisaient valoir que la mortalité d’oiseaux ou de chiroptères protégés serait significativement sous-évaluée compte tenu :
- de phénomènes de prédation des cadavres ;
- du choix de la formule statistique retenue pour l’estimation du taux de mortalité de la faune volante (formule d’Huso plutôt que celle de Jones) ;
- de la surface limitée des zones de prospection utilisées pour leur recherche (qui n’était pas en conformité avec le Protocole de suivi environnemental des parcs éoliens terrestre révisé en 2018).
La CAA de Lyon écarte ces arguments, en considérant notamment que :
- « l’insuffisance du carré de 100 mètres retenu pour les prospections [n’est] pas sérieusement justifiée » ;
- « quelles que soient les estimations et projections statistiques versées au dossier, qui varient et demeurent incertaines, les cas réels de mortalité de spécimens protégés relevés en 2020 et 2021, compte tenu de la faune sous protection fréquentant le site éolien et des mesures d’évitement comme de réduction mises en œuvre par l’exploitant, restent limités ».
Elle en déduit que les 14 cas de mortalité identifiés pendant les deux années de suivi ne suffisent pas « à révéler l’existence de risques suffisamment caractérisés pour des espèces protégées ou leurs habitats, qu’ils aient été sous-estimés au stade de l’instruction de la demande d’autorisation ou qu’ils soient nouvellement apparus en phase d’exploitation. »
Par conséquent, en refusant d’ordonner à la société exploitante, en application de l’article L. 171–7 du code de l’environnement, de déposer une demande de dérogation « espèces protégées », le préfet de Saône-et-Loire n’a commis aucune illégalité.
2. Sur la nécessité de compenser les destructions déjà occasionnées de spécimens d’oiseaux et de chiroptères
Les associations affirmaient également qu’en raison « de la destruction probable d’une vingtaine de chauves-souris et d’une soixantaine d’oiseaux et des destructions à venir, le préfet aurait dû exiger de l’exploitant qu’il compense ces destructions ».
La CAA de Lyon relève que l’autorisation d’exploiter prévoit des mesures de compensation1, devant être mises en œuvre sous le contrôle préalable de l’inspection des installations classées :
- la mise en place de cinq gîtes artificiels sur des secteurs éloignés des éoliennes ;
- une opération paysagère et écologique en “compensation” du linéaire de haies qui ne serait pas replanté en totalité.
Elle en déduit que « les atteintes réellement constatées à la faune protégée sont demeurées limitées et qu’aucune mesure de bridage complémentaire pour les chiroptères mais également pour les oiseaux, en particulier le milan noir, n’est apparue à ce jour indispensable » de sorte que les associations ne justifient pas « du caractère notoirement insuffisant des mesures de compensation » déjà prévues.
En définitive, la CAA de Lyon rejette la requête.
1. Prévoir des mesures de compensation tout en ne sollicitant pas une dérogation espèces protégées n’est pas recommandé, étant donné que ces mesures ne sont requises que dans le cas où le projet entre dans le champ de l’interdiction de porter atteinte aux espèces (L. 163–1 du code de l’environnement). En revanche, ces mesures peuvent être présentées dans l’étude d’impact comme des mesures d’accompagnement.
Crédits photographiques : Thomas Kraft.