[Déchets] Absence de responsabilité de l’entreprise de collecte et de transport de déchets en cas de défaillance du centre de tri qu’elle approvisionne
Par une décision du 2 juin 2023, le Conseil d’État juge qu’une entreprise de collecte et de transport de déchets, qui exerce régulièrement son activité et ne commet aucune négligence, ne peut être regardée comme ayant la qualité de producteur ou de détenteur des déchets (CE, 2 juin 2023, no 450086).
Dans cette affaire, une société qui exploitait un centre de tri et de transit de déchets du bâtiment avait été placée en liquidation judiciaire après que le préfet du Val-de-Marne avait prononcé la suspension administrative du fonctionnement de l’usine en raison du non-respect des prescriptions ICPE.
En l’absence de remise en état et d’exploitant solvable, le préfet avait alors demandé à l’ADEME d’intervenir sur le site et d’évacuer les déchets aux frais des responsables de ces déchets, pour un montant de 19 500 000 €.
Le préfet avait ensuite désigné la société Métalarc, qui était chargée de la collecte et du transport de déchets issus de chantiers pour le compte d’entreprises tierces jusqu’au centre de tri de Limeil-Brévannes, comme responsable d’une partie des déchets encore abandonnés sur le site.
Le préfet considérait que cette société devait être regardée, en raison son activité de collecte et de transport de déchets sur le centre de tri, comme producteur ou détenteur d’une partie des déchets abandonnés sur le site, de sorte qu’il lui appartenait d’en financer l’élimination.
Après avoir versé la somme de 1 235 000 € au profit de l’ADEME, la société Métalarc avait demandé au préfet de lui rembourser cette même somme en réparation du préjudice qu’elle estimait avoir subi du fait de sa désignation comme responsable d’une partie des déchets abandonnés.
Face au refus de l’administration, la société Métalarc avait saisi le tribunal administratif de Melun, qui a condamné l’ADEME au lui rembourser l’intégralité de la somme.
La cour administrative d’appel de Paris avait ensuite confirmé la faute de l’administration, mais elle avait réformé le jugement au motif que la somme devait être remboursée par l’État et non par l’ADEME.
Le ministère de la Transition écologique s’était alors pourvu en cassation pour demander au Conseil d’État d’annuler cet arrêt en tant qu’il condamnait l’État.
Par la décision du 2 juin 2023, le Conseil d’État rappelle que “le propriétaire ou le détenteur des déchets a la responsabilité de leur élimination, la seule circonstance qu’il ait passé un contrat en vue d’assurer celle-ci ne pouvant notamment l’exonérer de ses obligations légales auxquelles il ne peut être regardé comme ayant satisfait qu’au terme de l’élimination des déchets” (CE, 13 juillet 2006, n° 281231, aux tables).
Par ailleurs, pour mémoire, la responsabilité du propriétaire du terrain qui a fait preuve de négligence à l’égard d’abandons de déchets sur son terrain peut être recherchée à titre subsidiaire1.
En l’espèce, le Conseil d’État confirme l’arrêt de la CAA de Paris qui avait fait une application combinée de ces deux principes :
« l’activité de la société Métalarc avait uniquement consisté à collecter et transporter des déchets pour le compte de tiers jusqu’à un centre de tri autorisé par l’administration » et elle « n’avait commis aucune négligence » de sorte qu’elle « ne pouvait être regardée comme ayant la qualité de producteur ou de détenteur des déchets ». Par suite, le préfet du Val-de-Marne ne pouvait mettre à sa charge une somme pour l’élimination des déchets restants sur le centre de tri.
On rappellera que dans un avis récent, l’ADEME indique notamment que la défaillance de l’exploitant d’un centre de tri de déchets « peut déboucher sur la reprise des déchets par leurs producteurs, à condition que ces producteurs aient abandonné, déposé ou géré ces déchets contrairement aux prescriptions relatives à la prévention et gestion des déchets du code de l’environnement. » (Avis relatif au processus d’intervention de l’ADEME en contexte de sites à responsables défaillants publié au JORF du 17 mai 2023).
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1. CE 26 juillet 2011, Commune de Palais-sur-Vienne, n° 328651 ; CE, 1er mars 2013, Société Natiocredimurs et Société Finamur, n° 354188.