Agrivoltaïsme et installations photovoltaïques compatibles avec l’activité agricole
Afin de favoriser le développement des centrales photovoltaïques au sol sur les terres agricoles tout en préservant l’usage et la qualité de ces terres, la loi no 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables (loi EnR) crée deux régimes distincts :
- les installations agrivoltaïques, qui pourront être autorisées en qualité d’installations nécessaires à l’exploitation agricole (1.)
- les installations photovoltaïques compatibles avec l’exercice d’une activité agricole, pastorale ou forestière, qui pourront être autorisées en qualité d’installations nécessaires à des équipements collectifs (2.)
Nous vous présentons une synthèse du régime applicable à ces deux types d’installations (3.).
La loi EnR précise également :
- les conditions d’implantation de panneaux photovoltaïques sur les serres, hangars et ombrières à usage agricole (4.)
- que l’implantation de panneaux photovoltaïques en zones forestières est interdite lorsqu’un défrichement d’une superficie supérieure à 25 hectares est nécessaire (5.).
1. Les installations agrivoltaïques
1.1. Champ d’application
Après quelques tentatives de définition par la CRE1 et l’ADEME2, le législateur est intervenu pour circonscrire les installations pouvant être qualifiées d’agrivoltaïques.
Une installation agrivoltaïque est définie comme (i) une installation de production d’électricité utilisant l’énergie radiative du soleil (ii) dont les modules sont situés sur une parcelle agricole (iii) où ils contribuent durablement à l’installation, au maintien ou au développement d’une production agricole (L. 314–36 du code de l’énergie).
Pour être qualifiée d’agrivoltaïque, l’installation doit respecter les critères cumulatifs suivants :
- elle garantit, à un agriculteur actif ou à une exploitation agricole à vocation pédagogique3, une production agricole significative et un revenu durable issu de cette production agricole ;
- elle apporte directement à la parcelle agricole au moins l’un des services suivants :
- 1° L’amélioration du potentiel et de l’impact agronomiques ;
- 2° L’adaptation au changement climatique ;
- 3° La protection contre les aléas ;
- 4° L’amélioration du bien-être animal.
En revanche, ne peut pas être considérée comme agrivoltaïque une installation :
- qui porte une atteinte substantielle à l’un des quatre services susvisés ; ou
- qui porte une atteinte limitée à deux de ces services ; ou
- qui ne permet pas à la production agricole d’être l’activité principale de la parcelle agricole (étant précisé que le caractère principal de l’activité de la parcelle agricole peut s’apprécier au regard du volume de production, du niveau de revenu ou de l’emprise au sol) ; ou
- qui n’est pas réversible.
Un décret en Conseil d’État doit intervenir pour préciser les modalités d’application du régime des installations agrivoltaïques, et notamment pour :
- préciser les services que l’installation agrivoltaïque doit apporter à la parcelle agricole ;
- fixer une méthodologie définissant la production agricole significative et le revenu durable en étant issu ;
- déterminer les conditions de déploiement et d’encadrement de l’agrivoltaïsme, en s’appuyant sur :
- le strict respect des règles qui régissent le marché du foncier agricole, notamment le statut du fermage et la mission des sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural,
- la politique de renouvellement des générations et,
- le maintien du potentiel agronomique actuel et futur des sols concernés ;
- prévoir les modalités de suivi et de contrôle des installations ainsi que les sanctions en cas de manquement.
1.2. Régime
Les installations agrivoltaïques sont considérées comme nécessaires à l’exploitation agricole au sens des textes qui régissent les règles d’occupation des sols des communes :
- couvertes par un plan local d’urbanisme (L. 151–11 du code de l’urbanisme) ;
- couvertes par une carte communale (L. 161–4 du code de l’urbanisme) ;
- qui ne sont couvertes par aucun document d’urbanisme et relèvent donc du RNU (L. 111–4 du code de l’urbanisme).
2. Les installations photovoltaïques compatibles avec l’exercice d’une activité agricole, pastorale ou forestière
2.1. Une compatibilité appréciée à l’échelon de l’unité foncière
Pour mémoire, un parc photovoltaïque dont l’électricité produite est destinée à être injectée sur le réseau public est regardé comme une installation nécessaire à des équipements collectifs au sens du code de l’urbanisme. Son implantation peut donc être autorisée, sous certaines conditions :
- en zones naturelles, agricoles ou forestières d’une commune couverte par un PLU (sous réserve des dispositions particulières du règlement du PLU) ;
- dans les secteurs où les constructions ne sont en principe pas admises d’une commune couverte par une carte communale ;
- en dehors des parties urbanisées d’une commune relevant du RNU.
S’inspirant des conditions posées par le Conseil d’État dans la décision Photosol4, le législateur prévoit qu’un parc photovoltaïque au sol peut être autorisé sur des terres agricoles, pastorales ou forestières, à la condition de ne pas être incompatible avec l’exercice d’une activité agricole, pastorale ou forestière sur le “terrain” sur lequel il est implanté.
La loi EnR précise que la compatibilité entre l’implantation du parc photovoltaïque et l’exercice d’une activité agricole, pastorale ou forestière s’apprécie à l’échelle de l’ensemble des terrains d’un seul tenant, faisant partie de la même exploitation agricole, pastorale ou forestière, au regard des activités agricoles, pastorales ou forestières qui y sont effectivement exercées ou, en l’absence d’activité effective, qui auraient vocation à s’y développer (L. 111–29 du code de l’urbanisme).
La compatibilité doit ainsi être appréciée à l’échelon de l’unité foncière, étant souligné que cette approche correspond à celle retenue pour définir un îlot au sens de la PAC. Le législateur a expressément écarté un examen à l’échelon de la parcelle, qui renvoie à une notion purement cadastrale.
2.2. Les projets ne pourront être implantés qu’au sein de surfaces identifiées dans un document-cadre établi par le préfet
À l’échelon départemental, le préfet devra établir un document-cadre définissant notamment (i) les surfaces agricoles et forestières ouvertes à un projet d’installation photovoltaïque au sol ainsi que (ii) les conditions d’implantation dans ces surfaces. Au titre des surfaces définies par le document-cadre, seuls pourront être identifiés des sols réputés incultes ou non exploités depuis une durée minimale qui sera fixée par décret.
Le nouveau régime introduit par la loi EnR est plus contraignant pour les développeurs : en effet, aucun ouvrage de production d’électricité à partir de l’énergie solaire, hors installations agrivoltaïques, ne pourra être implanté en dehors des surfaces identifiées dans le document-cadre.
Enfin, pour être autorisés, les parcs photovoltaïques au sol ne devront pas affecter durablement (i) les fonctions écologiques du sol, en particulier ses fonctions biologiques, hydriques et climatiques (ii) ni son potentiel agronomique (L. 111–30 du code de l’urbanisme).
3. Synthèse du régime applicable aux installations agrivoltaïques et aux installations photovoltaïques compatibles avec l’exercice d’une activité agricole, pastorale ou forestière
4. Les serres, hangars et ombrières à usage agricole supportant des panneaux photovoltaïques
L’installation de panneaux photovoltaïques sur les serres, hangars et ombrières à usage agricole doit correspondre à une nécessité liée à l’exercice effectif d’une activité agricole, pastorale ou forestière significative (L. 111–28 du code de l’urbanisme).
L’objectif de ces dispositions est de faire « primer le projet agricole sur le projet énergétique » et « de s’assurer que des bâtiments inutiles voire nuisibles à l’activité agricoles ne seront pas construits uniquement pour supporter des panneaux photovoltaïques, et donc d’éviter les nombreux projets “alibis” notamment sous serre »5.
Pour mémoire, le Conseil d’État avait jugé, en 2019, que « la circonstance que des constructions et installations à usage agricole puissent aussi servir à d’autres activités, notamment de production d’énergie, n’est pas de nature à leur retirer le caractère de constructions ou installations nécessaires à l’exploitation agricole au sens des dispositions précédemment citées, dès lors que ces autres activités ne remettent pas en cause la destination agricole avérée des constructions et installations en cause » (CE, 12 juillet 2019, no 422542, concl. L. Dutheillet de Lamothe).
5. Interdiction des projets photovoltaïques en zones boisées lorsqu’un défrichement de 25 ha est nécessaire
Lors de l’examen du projet de loi relatif à l’accélération de la production des énergies renouvelables, l’Assemblée nationale a introduit une nouvelle mesure afin de limiter la concurrence potentielle entre l’exploitation forestière et la production d’énergie électrique d’origine solaire.
Le code de l’urbanisme prévoit désormais que les parcs photovoltaïques au sol ne sont pas autorisés dans les zones forestières lorsque leur implantation nécessite un défrichement portant sur une superficie totale, même fragmentée, supérieure ou égale à 25 hectares (nouvel art. L. 111–33 du code de l’urbanisme ; rubrique 47 de l’annexe à l’article R. 122–2 du code de l’environnement).
Pour tenir compte des projets en cours de développement6, l’entrée en vigueur de l’interdiction est différée : elle ne s’appliquera qu’aux dossiers déposés à compter du 10 mars 2024.
1. « Installations permettant de coupler une production photovoltaïque secondaire à une production agricole principale en permettant une synergie de fonctionnement démontrable » (Appel d’offres de la CRE portant sur la réalisation et l’exploitation d’installations de production d’électricité innovantes à partir de l’énergie solaire).
2. La définition de l’agrivoltaïsme par l’ADEME repose sur la notion de synergie entre production agricole et production PV sur une même surface de parcelle : l’installation photovoltaïque doit ainsi apporter un service en réponse à une problématique agricole (ADEME, Caractériser les projets photovoltaïques sur terrains agricoles et l’agrivoltaïsme, Guide de classification des projets et définition de l’agrivoltaïsme, juillet 2021, 67 p.).
3. Exploitation gérée par un établissement relevant du titre Ier du livre VIII du code rural et de la pêche maritime
4. CE, 8 février 2017, no 395464, au recueil.
5. Lien vers l’amendement sur le site du Sénat.
6. Au départ, l’interdiction devait s’appliquer aux centrales solaires destinées à être implantées sur des terrains ayant fait l’objet d’une autorisation de défrichement dans les cinq années précédant l’adoption de la loi.