Indemnisation des préjudices liés à la pollution atmosphérique : précisions de la CJUE
La violation des directives sur la qualité de l’air ambiant n’ouvre pas un droit à réparation pour les particuliers sur le fondement du droit de l’Union européenne, mais la responsabilité des États membres peut être engagée dans des conditions moins restrictives sur le fondement du droit interne (CJUE, 22 décembre 2022, C‑61/21).
Pour mémoire, l’article 13 de la directive 2008/50/CE fixe des valeurs-limites pour plusieurs polluants atmosphériques dans le but de limiter leurs effets nocifs sur la santé humaine et/ou l’environnement (dioxyde d’azote, particules fines, dioxyde de soufre, benzène, etc.).
L’article 23 de la directive prévoit qu’en cas dépassement de ces valeurs-limites, les États membres doivent établir des plans relatifs à la qualité de l’air prévoyant des mesures appropriées pour que la période de dépassement soit la plus courte possible.
Bien que le respect du régime prévu aux articles 13 et 23 constitue une obligation de résultat à la charge des États membres (CJUE, 19 novembre 2014, ClientEarth, C‑404/13), la CJUE a relevé qu’il poursuit un « objectif général de protection de la santé humaine et de l’environnement dans son ensemble ». Elle en déduit que les particuliers ne se sont pas implicitement vu conférer des droits individuels. La CJUE conclut alors que la méconnaissance des directives fixant des normes sur la qualité de l’air ambiant n’ouvre pas un droit à réparation pour les particuliers sur le fondement du droit de l’Union européenne, à rebours des conclusions de l’avocate générale (§57).
Néanmoins, la CJUE souligne que la responsabilité de l’État peut être engagée dans des conditions moins restrictives sur le fondement du droit interne (§63).
C’est d’ailleurs la voie dans laquelle s’est engagé le juge administratif français, qui considère que la responsabilité de l’État peut être engagée en raison de l’insuffisance des plans relatifs à la qualité de l’air pour mettre fin au dépassement des valeurs limites dans le délai le plus court possible, en application du principe selon lequel toute illégalité est fautive (CE, Sect., 26 janvier 1973, Ville de Paris c/ Driancourt, n° 84768).
À ce jour, le juge administratif a néanmoins rejeté l’ensemble des demandes d’indemnisation présentées par des particuliers, au motif qu’ils ne démontraient pas l’existence d’un lien de causalité direct et certain entre le dépassement des valeurs limites pour les polluants atmosphériques et les pathologies respiratoires dont ils sont affectés.
En effet, la circonstance que la pollution de l’air extérieur soit responsable de 48 000 décès prématurés par an ne suffit, en elle-même, à établir un lien de causalité à l’échelon individuel, et le juge administratif refuse, pour l’heure, de caractériser un lien de causalité sur le fondement d’un faisceau d’indices (voir, en matière de vaccination obligatoire : CE, 9 mars 2007, Schwartz, n° 267635, au recueil).