Compensation écologique : les textes relatifs aux SNCRR en consultation

Deux pro­jets de décrets et un pro­jet d’ar­rêté relat­ifs à la créa­tion des sites naturels de com­pen­sa­tion, de restau­ra­tion et de renat­u­ra­tion (SNCRR) créés par l’ar­ti­cle 15 de la loi no 2023–973 du 23 octo­bre 2023 rel­a­tive à l’in­dus­trie verte sont soumis à la con­sul­ta­tion du pub­lic jusqu’au 3 juil­let prochain.

Pour mémoire, le nou­veau dis­posi­tif a été créé afin de lever les dif­férents blocages liés aux anciens sites naturels de com­pen­sa­tion (SNC), et plus pré­cisé­ment faciliter la mise en œuvre (i) des mesures com­pen­satoires « oblig­a­toires » par un por­teur de pro­jet en appli­ca­tion de la séquence Éviter-Réduire-Com­penser (ERC) et (ii) des mesures com­pen­satoires « volon­taires » par d’autres acteurs souhai­tant s’engager en faveur de la bio­di­ver­sité (pour en savoir plus, voir notre arti­cle sur le sujet).

Cet arti­cle n’a pas voca­tion à présen­ter l’ensem­ble du mécan­isme pro­jeté : il s’in­téresse aux pré­ci­sions apportées aux modal­ités d’oc­troi, de mod­i­fi­ca­tion et de retrait des agré­ments de SNCRR (1.) et la com­mer­cial­i­sa­tion des unités de com­pen­sa­tion, de restau­ra­tion ou de renat­u­ra­tion (UCRR) (2.).

1. Les agréments de SNCRR

1.1 L’octroi d’un agrément

Le pro­jet de décret en Con­seil d’État prévoit que les déci­sions rel­a­tives à l’oc­troi, la mod­i­fi­ca­tion et au retrait de l’a­gré­ment de SNCRR :

  • sont pris­es par arrêté du préfet de région (alors qu’il s’ag­it actuelle­ment du min­istre chargé de l’en­vi­ron­nement pour les SNC) ;
    Le silence gardé par le préfet de région à l’ex­pi­ra­tion d’un délai de six mois à compter de la récep­tion de la demande d’a­gré­ment vaut accep­ta­tion1.
  • après avis sim­ple du Con­seil sci­en­tifique région­al du pat­ri­moine naturel (CSRPN) ren­du dans un délai de deux mois. Le silence gardé par le CSRPN pen­dant un délai de deux mois vau­dra avis favor­able (il s’ag­it actuelle­ment du CNPN pour les SNC).
    Le pro­jet de décret pré­cise que l’avis porte sur la « per­ti­nence écologique et la qual­ité du pro­jet de restau­ra­tion ou de développe­ment d’éléments de bio­di­ver­sité » dont les critères sont détail­lés en annexe du pro­jet d’ar­rêté2.

Le con­tenu et les modal­ités de dépôt élec­tron­ique de la demande sont détail­lés dans le pro­jet d’ar­rêté. Par­mi les élé­ments jus­ti­fi­cat­ifs devant être four­nis dans le dossier de demande (infor­ma­tions sur l’opéra­teur, descrip­tion des opéra­tions, durée, élé­ments économiques, tech­niques et car­tographiques, etc.), le pro­jet d’ar­rêté impose à l’opéra­teur d’ap­porter des « garanties » allant au-delà de la péri­ode de valid­ité de l’a­gré­ment en pro­posant des solu­tions per­me­t­tant :

  • d’assurer la péren­nité du bon état écologique du SNCRR, à l’issue de la péri­ode de valid­ité de l’agrément (fixée au min­i­mum à 30 ans) ;
    Des « solu­tions de main­tien de l’é­tat écologique du site à l’is­sue de la péri­ode de valid­ité » devront égale­ment être pro­posées au plus tard cinq ans avant le terme de cette péri­ode.
  • d’assurer le main­tien du gain écologique obtenu dans le SNCRR, lorsque l’a­gré­ment cesse de rem­plir l’une des oblig­a­tions prévue à l’ar­ti­cle D. 163–6 visées au point 1.2 infra (pou­vant don­ner lieu au retrait de l’a­gré­ment).

1.2 La modification de l’agrément

Les élé­ments men­tion­nés dans l’a­gré­ment peu­vent être mod­i­fiés à la demande de son béné­fi­ci­aire après accord du préfet de région3.

L’a­gré­ment peut égale­ment être mod­i­fié à l’ini­tia­tive de l’ad­min­is­tra­tion, en l’ab­sence de régu­lar­i­sa­tion par l’opéra­teur dans un délai de deux mois après en avoir été infor­mé, si celui-ci cesse de rem­plir l’une des oblig­a­tions suiv­antes4 :

  • la mise en œuvre du pro­jet de restau­ra­tion écologique, de renat­u­ra­tion ou de développe­ment de bio­di­ver­sité et la garantie de créa­tion de gains écologiques pour lesquels l’a­gré­ment a été sol­lic­ité ;
  • le cas échéant, la mise en œuvre des mesures com­pen­satoires des atteintes à la bio­di­ver­sité pour lesquelles l’a­gré­ment a été sol­lic­ité avant l’utilisation des UCRR cor­re­spon­dantes au titre de la com­pen­sa­tion des atteintes à la bio­di­ver­sité ;
  • la réal­i­sa­tion de mesures de suivi d’é­val­u­a­tion des opéra­tions mis­es en œuvre et de leur effi­cac­ité à créer un gain écologique5.

En revanche, les UCRR déjà ven­dues ne pour­ront pas être mod­i­fiées.

1.3 Le transfert de l’agrément

Un agré­ment peut être trans­féré à un nou­veau béné­fi­ci­aire, si ce dernier dis­pose de capac­ités tech­niques et finan­cières suff­isantes et des droits per­me­t­tant la mise en œuvre des oblig­a­tions prévues par l’a­gré­ment sur les ter­rains d’assi­ette du SCNRR.

Le nou­veau béné­fi­ci­aire doit se déclar­er au moins trois mois avant la date d’ef­fet du trans­fert au préfet de région, qui peut refuser le trans­fert s’il con­state que les con­di­tions ne sont pas rem­plies. Le silence du préfet à l’is­sue d’un délai de deux mois à compter de la date de récep­tion de la déc­la­ra­tion vaut accord6.

1.4 Le retrait de l’agrément

Le pro­jet de décret prévoit égale­ment que l’a­gré­ment peut être retiré si le SNCRR cesse de rem­plir l’une de ses oblig­a­tions (voir supra 1.2.)7.

En cas de retrait de l’a­gré­ment, les UCRR util­isées au titre de la séquence ERC con­tin­u­ent de rem­plir leurs oblig­a­tions sous réserve de la mise en place des solu­tions prévues dans l’a­gré­ment per­me­t­tant d’assurer le main­tien du gain écologique obtenu dans le SNCRR.

2. Les unités de compensation, de restauration ou de renaturation (UCRR)

2.1 La commercialisation des UCRR

Le pro­jet de décret pré­cise que les UCRR peu­vent être ven­dues :

  • à des per­son­nes physiques ou morales tenues de sat­is­faire à des oblig­a­tions de com­pen­sa­tion des atteintes à la bio­di­ver­sité (por­teurs de pro­jets) ;
  • à des per­son­nes physiques ou morales souhai­tant con­tribuer, dans une démarche volon­taire, au rétab­lisse­ment de bio­di­ver­sité (par exem­ple : poli­tique RSE des entre­pris­es, col­lec­tiv­ités qui souhait­ent préserv­er la qual­ité de leurs espaces naturels, assureurs qui souhait­ent con­tribuer à la diminu­tion des risques naturels).

Le pro­jet pré­cise que ces unités peu­vent être acquis­es dès l’oc­troi de l’a­gré­ment mais qu’elles ne peu­vent pas être reven­dues, afin de ne pas con­stituer un marché sec­ondaire8. Le pro­jet ajoute que l’ac­qui­si­tion d’U­CRR ne préjuge pas de l’appréciation de leur suff­i­sance par l’au­torité admin­is­tra­tive com­pé­tente au titre de la mise en œuvre de la séquence ERC9.

Points de vig­i­lance : il sem­blerait donc que les UCRR qui seront acquis­es « dès l’oc­troi de l’a­gré­ment » ne présen­tent pas encore de garanties d’ef­fec­tiv­ité. Les por­teurs de pro­jets devront donc être vig­i­lants dans l’hy­pothèse où les UCRR ne cor­re­spon­dront in fine pas au gain écologique atten­du et que celui-ci est insuff­isant par rap­port à ce qui leur est imposé au titre de la séquence ERC.

2.2. Le recours à ses propres UCRR pour satisfaire ses obligations de compensation

Le pro­jet d’ar­rêté pré­cise qu’outre la pos­si­bil­ité d’a­cheter des UCRR, les per­son­nes physiques ou morales ont la pos­si­bil­ité de recourir aux UCRR générées sur un site qu’elles ont elles-même mis en œuvre et qui n’ont pas été ven­dues pour sat­is­faire leurs pro­pres oblig­a­tions de com­pen­sa­tion ou dans le cadre d’une démarche volon­taire10.

Remar­que : cette pos­si­bil­ité pour­rait présen­ter un intérêt pour les por­teurs de pro­jets de grande enver­gure (infra­struc­tures routières, fer­rovi­aires, etc.) dis­posant de fonci­er à prox­im­ité des pro­jets.


1. Art. R. 163–2 du code de l’en­vi­ron­nement.

2. idem.

3. Art. D. 163–7 du code de l’en­vi­ron­nement.

4. Art. D. 163–11 du code de l’en­vi­ron­nement.

5. Art. D. 163–6 du code de l’en­vi­ron­nement.

6. Art. D. 163–10 du code de l’en­vi­ron­nement.

7. Art. D. 163–11 du code de l’en­vi­ron­nement.

8. Art. D. 163–1 IV. du code de l’en­vi­ron­nement.

9. Art. D. 163–1 V. du code de l’en­vi­ron­nement.

10. Art. D. 163–1 VI du code de l’en­vi­ron­nement.


Crédits pho­tographiques : Sven Ziegler.


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