L’autorisation de détruire 25 espèces supplémentaires constitue une modification substantielle de la dérogation espèces protégées
Par un jugement du 24 octobre 2023, le Tribunal administratif de Toulouse a jugé que l’arrêté modificatif autorisant la destruction de 25 espèces supplémentaires par rapport à la dérogation initiale (qui portait sur une seule espèce) devait être considérée comme modification substantielle au sens de l’article L. 181–14 du code de l’environnement (TA Toulouse, 24 octobre 2023, no 2000658).
1. Contexte
Dans cette affaire, le préfet de la Haute-Garonne a délivré à un arrêté portant autorisation environnementale modificative d’un arrêté autorisant la réalisation d’une zone d’aménagement concertée (ZAC).
L’arrêté modificatif :
- autorise le porteur de projet à augmenter la surface de défrichement sur deux ilots du projet ;
- accorde une dérogation « espèces protégées » pour vingt-cinq espèces supplémentaires comprenant une espèce d’insecte, deux espèces de reptile, seize espèces d’oiseaux, un espèce de mammifères hors chiroptères et cinq espèces de chiroptères ;
L’arrêté modificatif prévoit également la mise en œuvre par le porteur de projet des mesures d’évitement, de réduction et de compensation suivantes :
Au titre des mesures d’évitement et de réduction :
- l’évitement et transplantation de pieds de « Rose de France » ;
- la préservation d’arbres en lisière de boisement et des mesures sur le défrichement et sur le débroussaillage avant terrassement.
Au titre des mesures de réduction :
- la reforestation de 5 400 m2 au sein de la zone d’activité ;
- la création d’un boisement de 10 000 m2 sur une aire plus éloignée de la zone d’activité ;
- la mise en place de mesures d’accompagnement et de suivi des mesures environnementales.
L’association France Nature Environnement (FNE) Midi-Pyrénées demande l’annulation de l’arrêté modificatif, au motif notamment que ce dernier autorise une modification substantielle du projet, qui imposait la délivrance d’une nouvelle autorisation environnementale.
2. Sur la caractérisation de la nature substantielle de la modification
A l’appui de sa demande, l’association FNE soutient que l’arrêté modificatif constitue une modification substantielle du projet dans la mesure où les modifications accordées entraînent (i) la suppression de l’unique mesure d’évitement prévue dans l’arrêté initial et (ii) autorise la destruction de 25 nouvelles « espèces protégées ».
En l’espèce, l’arrêté initial ne comportait qu’une seule mesure d’évitement de destruction des habitats de reproduction du Milan noir et d’autres espèces protégées consistant en une préservation des espaces boisés sur deux ilots et l’inscription du boisement de l’un d’eux au PLU. En outre, l’autorisation initiale n’accordait une dérogation à l’interdiction de destruction que pour une seule espèce animale protégée.
Le Tribunal relève notamment que :
- l’arrêté modificatif remplace la mesure d’évitement susvisée par une mesure compensatoire qui ne « présente pas le même niveau de protection pour les espèces concernées » ; et
- seul un tiers du reboisement prévu pour compenser le défrichement supplémentaire sera mis en œuvre au sein de la zone d’activité, contre deux tiers en dehors de la zone.
Compte tenu de la suppression de la mesure d’évitement initiale, des mesures limitées de reboisement et des 25 espèces protégées supplémentaires pour lesquelles l’arrêté modificatif a apporté une dérogation par rapport au projet initial, le tribunal juge, sans surprise, que les modifications apportées doivent être considérées comme substantielles et qu’une nouvelle autorisation environnementale était nécessaire.
En outre, le tribunal constate que les mesures d’évitement, de réduction et de compensation susvisées ne sont pas de nature à maintenir dans un état de conservation favorable les espèces concernées et juge que le projet aurait dû faire l’objet d’une nouvelle autorisation environnementale.
En définitive, le tribunal annule l’arrêté.
Observation : lorsque la dérogation est incluse dans l’autorisation environnementale, il est fait application des articles L. 181–14 et R. 181–46 du code de l’environnement pour apprécier le caractère substantiel ou non de la modification. Le même mécanisme est prévu à l’article R. 411–10‑1 du même code pour les dérogations dites “sèches”.
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